Lettre ouverte à Monsieur Daniel Bilalian, directeur des sports de France Télévisions

Cher Monsieur,

J’apprends avec tristesse que vous avez prononcé une sanction disciplinaire à l’endroit de l’un de vos journalistes, Pierre-Etienne Léonard, pour son travail durant la rencontre ayant opposé Jerzy Janowicz à Albert Ramos durant la première semaine du tournoi de Roland-Garros 2013.

Sans m’exprimer sur l’opportunité d’une décision qui vous appartient au regard du cahier des charges imposé à vos journalistes, je m’étonne que vous n’ayez pris l’initiative d’une telle sanction qu’en raison du buzz lancé par « Le Petit Journal ». C’est reconnaître d’abord que personne ne prend la peine d’évaluer le travail de vos journalistes qui commentent les matchs sur Pluzz puisque ce match n’était certainement pas le premier que Pierre-Etienne Léonard présentait. C’est reconnaître ensuite que vous vous moquez de la qualité du travail de vos journalistes tant que cela reste confidentiel. C’est reconnaître surtout que vous maniez la sanction disciplinaire à des fins politiques, ce qui me semble au mieux maladroit, au pire très contestable.

En outre, cette sanction est révélatrice de votre gestion catastrophique de la stratégie de France Télévisions en matière sportive et commerciale. Dans votre esprit, vos téléspectateurs des après-midi de semaine n’attendent rien d’autre que le rythme effréné des épisodes de Derrick ou d’Inspecteur Barnaby, que le suspens insoutenable Des Chiffres et des Lettres, que les beaux yeux du jeune Thierry Beccaro, que l’humour préhistoriquement grivois du lascif Bertrand Renard, que l’enthousiasme du gérontophile Julien Lepers… Bien installé dans une routine qui respire davantage le formol que l’innovation, à l’heure où France Télévisions risque de perdre les droits de retransmission de Roland Garros, vous ne cultivez rien d’autre que l’inertie.

Alors qu’il faut faire le choix de l’innovation, de l’audace et de la prise de risque pour reconquérir des audiences qui s’évaporent dans des bouquets télévisuels toujours plus garnis, vous enfoncez le clou du conservatisme stérile non seulement en confirmant ce qui ne marche pas ou plus, mais encore en sanctionnant ce qui pouvait apporter de la fraîcheur à votre ligne éditoriale. A l’instar de Canal+ qui a su redynamiser son dimanche soir avec Thomas Thouroude dans l’Equipe du Dimanche, il faut savoir passer à l’offensive en envoyant vos jeunes talents en première ligne. Et non pas en Place de Grève.

Personne ne soutient que Pierre-Etienne Léonard représente seul l’avenir de France Télévisions, ni qu’il a été irréprochable lors de ses commentaires, mais il a enfin permis d’attirer des regards et de réveiller les zombies que l’on devient en écoutant les mêmes commentateurs absolument incompétents et sans aucune capacité à se renouveler depuis le 19^ème siècle.  Si encore vous disposiez d’une équipe exceptionnelle en matière de commentaires sportifs, je ne serais pas là à vous exprimer ce ressentiment. Mais votre bande de journalistes rouillés, réfractaires à la modernité et horrifiés devant tout ce qui dérange leur train-train de rentiers empâtés est la risée des passionnés de sport. Comment séduire un public jeune et particulièrement connaisseur en matière sportive avec un Nelson Monfort qui exaspère les athlètes avec un pathos exacerbé et ose affirmer que Viktor Troicki est un spécialiste de terre battue ? Avec un Thierry Adam qui ne connaît que l’emphase et le chauvinisme inopportun sans ne jamais être capable de produire la moindre analyse ? Avec un Patrick Montel qui s’en prend à tout ce qui le dépasse, comme les « rézosossios » ? Avec un André Garcia qui montre davantage d’intérêt pour l’ex-URSS que pour l’actualité du handball ? Avec un Lionel Chamoulaud qui s’offre des séances d’onanisme dans sa cabine de commentateurs du Suzanne Lenglen ? Avec une émission de Stade 2 qui aligne les poncifs et les erreurs pour présenter des sujets bâclés sur des sports ultra-médiatiques sans aucune considération pour ses missions de service public à l’égard de sports en mal de visibilité ? Car, oui, France Télévisions a la double lourde responsabilité d’assurer une mission de service public mais aussi de fonctionner par le truchement de financements publics. Ce qui ne vous donne que des devoirs.

Les rares renouvellements que vous osez proposer sont une insulte au spectateur, à l’image de l’apparition d’une Louise Ekland que vous cantonnez à un rôle de poupée inutile parlant un jour de sa grossesse, un autre du dernier « petit plat » confectionné par la « gentille maman de Benoît Paire ». Inutile de casser une tirelire alimentée par nos impôts pour acheter les droits d’événements sportifs si c’est pour privilégier la vacuité des interviews de Louise Ekland ou  des « analyses » de Tatiana Golovin aux images et émotions du direct.

Si la France est bien un pays qui vieillit, l’avenir de vos audiences est dans la jeunesse. Si vous voulez conquérir ce public, il est temps de laisser aussi place à l’esprit créatif et enthousiaste d’une jeune garde qui, elle, sait comprendre les attentes d’un public qui a évolué depuis Antenne 2 ou Nagano. Sur ce point, Pierre-Etienne Léonard a mieux œuvré pour France Télévisions que l’écrasante majorité de vos « têtes d’affiche ».

N’ayez pas peur d’être audacieux. De toute façon, vous ne pouvez pas faire pire.

Votre dévoué téléspectateur,

Maître By